Cheminement
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« Ces ruines, enfin, ne peuvent être vues sans que l’imagination se presse à en reconstituer les manques. »
Les ruines des Mazelles, vestiges du monde gallo-romain, nous renvoient à un passé lointain que nous perdons de vue. Toutes les fonctions originelles des bâtiments, d’ailleurs, ne nous sont pas totalement dévoilées. À parcourir le site sans interprétation fouillée, on imagine immédiatement que Tasciaca était un complexe d’activités important. Il nous reste de grandes traces dressées, qui conservent l’aspect monumental de ce que fut cet ensemble si singulier. Ces ruines, enfin, ne peuvent être vues sans que l’imagination se presse à en reconstituer les manques.
On s’y promène.
Les matériaux sont secs : de la pierre calcaire, des rangs de briques, des trous de boulin, des percées, et puis il y a le fait étonnant (d’un point de vue plastique) qu’en général la matière tombée est absente.
Aucune sculpture, aucune colonne, aucune ornementation ne vient troubler la franche géométrie des implantations. Il ne s’agit pas d’un monument commémoratif, la part restant aux symboles, hormis tout ce qui renvoie à l’âge vénérable de dix-neuf siècles (et à l'oubli), est réduite à égale sécheresse. Partout, seulement des rythmes d’assemblage, de creux ou de pleins et des brisures de cadence. Les plans verticaux, bien que traversés de déchirures énormes, conservent de façon plus que lisible toutes les dispositions de la construction originelle.
De la part de sculpteurs, la volonté d’investir de tels lieux n’est évidemment pas neutre : elle va bien sûr considérant avec ces murs la charge historique qui d’emblée détermine des conditions très particulières de regard. Malgré cette prégnance, en considérant l’épure, il y a un état des lieux factuel avec lequel s’établit une négociation plastique.
En tant qu’incomplets, les pans de murs sont inutilisables ; à découvert sous le ciel, ils ne peuvent plus servir d’abri. Ce qu’on ne peut dès lors considérer d’un point de vue fonctionnel comme une architecture peut en revanche assez sereinement être converti en valeurs d’ordre sculptural.
Dès lors, on considèrera deux parts en tension dans le projet Cher Thésée, dont aucune n’est prépondérante, et qui doivent se conjoindre à la réalisation. En incorporant des propositions artistiques contemporaines au milieu d’un complexe construit selon des techniques d’assemblages très anciennes, il est autant question d’une recherche de dialogue avec un passé éloigné de nos mémoires, qu’avec la part matérielle et proprement plastique d’un site très spécifique.
Enfin, le choix de vestiges antiques décrit un positionnement particulier pour des sculpteurs d’aujourd’hui, notamment vis-à-vis de la plupart des pratiques de l’art contemporain qu’on dirait seulement soucieuses d’impacts éphémères ou sans réel danger dans les vitrines de la culture ou les musées. Et en effet, selon nous, les problématiques, à tort ou à raison à la mode, esquivent trop opportunément certains « lieux » de la pensée.
Sébastien Hoëltzener, sept. 2013
1_ Facade sud, bâtiment principal
2_ Faille dans la grande salle,
entrée principale désormais effondrée
3_ Dessin, cheminement possible du visiteur
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4_ Angle d'une partie arrasée,
apparition du chaînage en
briques
5_ Grande faille de la petite
salle du bâtiment principal,
différences de niveaux
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6_ Entrées de l'un des logements
accolés à la facade du bâtiment
principal
7_ Sol dans la grande salle,
mousse et sable
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